Archive | janvier, 2018
30 Jan

Tu les aurais vu, l’audace des gamins ensemble.
Les gestes, les paroles.
Masques qui rient, qui montrent du doigt et qui ignorent qu’avec leurs ongles de gosses il creusent les tranchées.
Celles qui remontent par la trachée.
Celles qui les larmes font couler.
Celles dont on ne parle jamais.

C’est peut-être ma faute.
On finit par se le dire.
On pense qu’on ne se le dira plus jamais.
On pense trop.
Les coups silencieux, qui résonnent, vingt ans après.
À te foutre de migraines monumentales.
Pendant qu’ils ne se souviennent plus de toi.
Mais moi, je n’ai pas oublié
Et chaque geste trop haut, chaque insulte, chaque parole
Est un ricochet sur leur champs de bataille.
Décuple le souvenir de n’avoir rien dit.
De les avoir laissé faire.
Et d’avoir juste su pleurer.
Aux confins de la stupidité des émotifs
Qui perdent les eaux du regard
Comme pour accoucher encore, faussement mais sûrement.
25 Jan
Non, je ne me retournerais pas sur toi dans la rue.
Tu sais pourquoi?
Parce que je ne t’aurais jamais laissée passer.
19 Jan

Elle était entrée.
J’ai senti d’un seul coup se dresser minutieusement l’épiderme.
La sensation monumentale, mais silencieuse.
Le premier regard.
Au travers la vitre d’une station de métro.
Le silence. Puis sa voix.
Un nouvel instrument. Les vibrations inconnues
On se demande toujours si cette voix finira par faire écho, par éclore au fond de nous-même pour devenir différente des autres.
J’ai senti ma main trembler légèrement, mais ne jamais bouger.

Elle était entrée.
Trois heures à l’aube entre les quatres murs de l’appartement.
Les souffles essouflés.
La sensation d’entrer par effraction dans une cathédrale.
Le silence. Puis sa voix.
On se demande toujours si ce corps finira par être l’Arche familière, si les parfums nous feront fermer les yeux puis prendre une profonde inspiration.
Comme lorsque l’on rentre chez soi.
J’ai senti mon corps perdre pieds.

Elle était entrée.
Alors que nous nous échappions dans la ville nappée d’obscurité
Qu’abritées, sous la veine lumineuse d’un ciel nous tendions les mains pour le toucher. La sensation de parler avec la voix que l’on a toujours voulu entendre.
Le besoin des paumes de se toucher. Encore.
Le soulagement.
Celui qui veut dire : «tu es enfin là».
La certitude que je ne rentrerai pas chez moi.
Pas après avoir partagé le spectacle invraisemblable du ciel qui se tait, à son bras.

Elle était entrée.
Premières larmes. Sanglots du passé qui essaie, en vain, de desserer les liens. J’ai regardé mon ombre se replier sur elle-même avant de vouloir m’enfuir.
J’ai senti sa main agripper mon épaule, et j’ai pensé
Plus jamais je ne laisserai une vitre en nous.
Elle n’a pas laissé mon visage se défaire du sien.
J’ai souri au fond de moi, sans le montrer.
Au fond de sa délicatesse, j’ai accepté de respirer
Sans retenir mon souffle.

Tu étais entrée.
Tu es ici, chez toi.
Le visage que tu caresses le matin restera près de toi.
La voix qui te parle doucement et parfois trop fort continuera de s’adresser à toi.

Le corps qui se fend quand tu le touches ne cessera de s’émouvoir à chaque contact avec le tien.
La bouche qui se fond sur la tienne ne cessera de le faire avec ce coeur qui s’agite.
Pas parce que c’est nouveau.

Parce que c’est réel.

16 Jan
Claquer la porte et recouvrir l’air de notre inconscience.
Tu t’en fous, tu me dis que l’on a plus vingt ans.
Défaire les draps.
«Les lits conventionnels, ça manque de savoir-vivre.»
Tu as ri.
J’ai vu l’atmosphère entière entrer dans ton expiration.
Tu retenais un peu ton souffle. Comme une première fois.
Il faudrait que je te dise que je suis capable de retenir le mien chaque jour de notre vie.
Mais il n’y a pas de notre vie.
Il n’y a que ce maintenant. Ce jour le jour.
Demain n’existe que dans les yeux des autres.
Dans les miens, tu veux saisir l’étroitesse d’un temps impassible.
J’ai les mains qui palpent chaque seconde.
Je ne tiens rien.
Pour un idéaliste incommensurable, c’est faire sa Cartesienne.
La flamme de la bougie se consume sur la table basse.
Sablier de feu.
Jours opulents.
Un étreinte en aveu
Nuits de ciment.
Demain au regard de la flamme abîmée par le temps,
Le savoir-vivre.